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LA VILLE DES FEMMES. Comprendre les transformations urbaines à partir des femmes des favelas de Rio de Janeiro

Anne-Marie Veillette

Une grande attention a récemment été accordée à la notion d’« urbanisation planétaire » (Brenner et Schmid, 2015). Bien qu’utile d’un point de vue structurel, beaucoup ont critiqué son hypothèse qui pose le néolibéralisme comme unique moteur de l’urbanisation (Oswin, 2018 ; Peake et al., 2018). Ce faisant, d’autres formes d’urbanisation sont laissées de côté, en particulier celles qui émergent des groupes urbains subalternisés, des femmes, des villes des Suds ou qui s’ancrent dans la vie quotidienne. En m’appuyant sur le cas des femmes résidentes des favelas de Rio de Janeiro, au Brésil, et sur les théories féministes, décoloniales et afrodiasporiques (Anzaldúa, 1987 ; Gonzalez, 1988 ; Simas et Rufino, 2019), j’avance que les femmes jouent un rôle majeur non seulement dans le maintien, la perpétuation et la réparation de la ville (Castells, 1978 ; Chant et McIlwaine, 2015), mais aussi dans sa transformation. Je pose plus spécifiquement la question suivante : comment comprendre les transformations urbaines à Rio de Janeiro ? Je soutiens que nombre de transformations urbaines se produisent, ou sont initiées, à une très petite échelle, celle du corps. Le corps est à la fois ontologiquement significatif, et un lieu important — voire crucial, lorsque l’on travaille avec des populations subalternisées — de production de savoirs sur la ville. Je construis cet argument sur des preuves empiriques collectées en 2019 dans les favelas de Rio de Janeiro, où j’ai mené des entretiens (39), des groupes de discussion (4) et des observations participantes avec des résidentes. Mes résultats démontrent que les femmes réussissent à naviguer les rythmes et l’incertitude de la ville en se transformant elles-mêmes, que ce soit pour prendre soin des autres ou les protéger de la violence urbaine (cuidar). Ce faisant, elles deviennent très douées pour anticiper ce qui est encore-à-venir (Simone, 2004) et pour créer un Black sense of place (McKittrick, 2011) dans une ville souvent hostile qui rappelle la plantation. Par conséquent, en examinant les gestes corporels, la manière d’être et les affects des femmes, on voit émerger une contre-géographie de la domination, qui prend la forme d’une toile de savoirs, de pratiques et de luttes politiques. De cette toile émergent des microtransformations qui progressivement contribuent à transformer la ville (Bayat, 2010), processus que je qualifie, en m’appuyant sur les écrits d’Abdias do Nascimento (1980), de quilombismo.

Type de production: thèses et mémoires

Ville: Autre

Année de publication: 2022

Maison d'édition: Thèse de doctorat en Études urbaines, sous la direction de Julie-Anne Boudreau et Valérie Amiraux, INRS

Langue(s) de publication: Français

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